mai 2024
A noter : Les dates sont celles de Kanaky/Nouvelle Calédonie
8 mai : Le projet de loi constitutionnel présenté à l’Assemblée nationale est soutenu par le camp présidentiel, la droite et l’extrême droite. Il est combattu par la gauche. Plusieurs milliers de militants indépendantistes défilent pour s’opposer au projet de dégel du corps électoral
9 mai : Des routes du sud de Nouvelle-Calédonie sont bloquées par les barrages mis en place par la CCAT (cellule de coordination des actions de terrain).
10 mai : Les actions de la CCAT se multiplient sur les routes pour manifester l’opposition de la population kanake à la réforme constitutionnelle devant être votée le 13 mai.
13 mai : De nombreuses routes sont bloquées, notamment au Mont-Dore, à Saint-Louis, à la Conception, à Dumbea et à Nouméa et des barrages filtrants sont instaurés dans le pays. Le Congrès adopte une proposition de résolution visant à demander le retrait du projet de loi constitutionnelle, qui doit être examiné dans la nuit par l’Assemblée nationale.
14 mai : Gérard Darmanin appelle les députés à voter sans modification la réforme ouvrant le scrutin provincial aux résidents installés depuis au moins 10 ans sur le territoire. Trois anciens premiers ministres, Jean-Marc Ayrault, Edouard Philippe et Manuel Valls, ont plaidé pour que Gabriel Attal reprenne ce dossier qui était jusqu’à récemment piloté par Matignon. Renaissance, les Républicains et le Rassemblement national appellent au dégel du corps électoral et à sa mise en œuvre en réunissant le Congrès (Assemblée nationale et Sénat) sans tarder. La mobilisation s’étend sur le territoire
15 mai : Nouvelle journée de barrages routiers. Trois kanaks sont tués : un homme de 36 ans à Kaméré, ainsi qu’à Ducos un homme de 19 ans originaire de Maré, Gibril Saïki Salo, étudiant en première année de BTS, et une jeune femme de 17 ans, Nassaïe Doouka, tuée d’une balle en pleine tête. Les auteurs de ces tirs sont deux particuliers. Louis le Franc, haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie (ou haussaire), indique que 76 000 armes dont 20 000 armes de poing sont déclarées sur le territoire. Un gendarme est tué au Mont-Dore. Un second gendarme est tué accidentellement. Dans un communiqué, le FLNKS lance « un appel à l’ensemble des responsables politiques, à l’État pour réunir les conditions nécessaires à la reprise d’un dialogue apaisé, pour l’obtention d’un accord global permettant à la Nouvelle-Calédonie de poursuivre son chemin vers l’émancipation, et à chaque Calédonienne et Calédonien de trouver la place qui est la sienne dans ce pays. »
16 mai : Les milices armées et les groupes d’autodéfense loyalistes surveillent leurs quartiers. L’état d’urgence est entré en vigueur à 5 heures. Lors des questions au gouvernement, Gérard Darmanin caricature le mouvement kanak et vise à le diviser en indiquant que « La CCAT, qui est désormais loin, on le sait, du FLNKS, est un groupe mafieux ».
17 mai : L’homme qui a tué 2 kanaks le 15 mai s’est rendu à la police. Dans un communiqué, la CCAT dénonce « l’irresponsabilité de l’État et nous le tenons pour responsable des pertes de vies humaines, des exactions et des saccages du tissu économique du pays. Nos jeunes qui sont mobilisés sur le terrain sont traités injustement de délinquants par l’État et des responsables politiques alors même qu’ils défendent leur dignité (…) Nos mobilisations ont été massives, nos mobilisations ont été pacifiques et elles nous ont effectivement permis de penser que les parlementaires français seraient sensibles à ces voix et ces cœurs qui se sont unis et ont clamé leur peur de l’aliénation du peuple kanak. Ça n’a pas été le cas ». La CCAT demande à tous de « respecter le temps du deuil » et elle réitère l’objectif de « défendre le corps électoral, un pilier de notre combat, pour l’accession à notre pleine souveraineté (…) Le discours de la CCAT ne doit pas être dévoyé, il a porté la voix du peuple kanak qui, depuis la tenue du troisième référendum du 12 décembre 2021, subit de plein fouet la partialité de l’État français. »
18 mai : Nouvelle nuit d’émeute au cours de laquelle un nouveau jeune est tué à La Conception.
19 mai : Gérard Darmanin annonce l’arrivée de 1 000 renforts supplémentaires portant l’effectif des forces de l’ordre sur l’île à 2 700 hommes.
20 mai : Anthony Albanese, chef du gouvernement australien indique que « les autorités françaises nous fournissent des points réguliers, la situation des vraiment préoccupante ».
21 mai : Des barrages ont été dégagés pour permettre l’évacuation de touristes australiens et néozélandais. Les élus du groupe Loyalistes Rassemblement demandent à l’état de les libérer des « actions terroristes de la CCAT » et appellent à maintenir l’examen du projet de réforme constitutionnel. Gil Brial assure qu’au sein des groupes de calédoniens qui « ont permis de préserver bon nombre de quartiers … il n’y a ni milices, ni assassins, mais seulement des gens inquiets qui veulent se protéger ». S’agissant des procédures relatives aux homicides, le procureur indique que plusieurs enquêtes ou informations judiciaires ont été ouvertes. À savoir :
- Ouverture d’une enquête du chef d’homicide volontaire avec préméditation (assassinat) suite à la mort, le 15 mai à Plum, du gendarme mobile qui se trouvait dans un véhicule de service, sur le siège conducteur, atteint par un projectile dans la tête, lors d’une action susceptible d’impliquer plusieurs tireurs ayant visé les gendarmes par une quinzaine de coups de feu. La section de recherches de la gendarmerie de Nouméa est saisie de cette enquête. À ce stade, aucune interpellation n’est intervenue.
- Ouverture d’une enquête du chef d’homicide involontaire durant le travail, suite au décès accidentel d’un gendarme mobile, le 16 mai sur la commune du Mont-Dore, lors de l’usage d’une arme. Dans cette procédure, le parquet de Nouméa s’est dessaisi au profit du parquet de Paris, compétent en matière d’infractions militaires.
- Ouverture d’une information judiciaire du chef d’homicide volontaire commis le 15 mai vers 13h30 dans le quartier de Tindu sur la commune de Nouméa. La victime âgée d’une vingtaine d’années qui se trouvait sur un blocage à un rond-point a été touchée par un projectile dans le dos. Trois personnes qui ont reconnu avoir tiré en direction de manifestants, dans un contexte de menace et d’intimidation à leur égard, sont mises en examen du chef de meurtre, et placées sous assignation à résidence sous surveillance électronique.
- Ouverture d’une information judiciaire le 20 mai du chef d’homicide volontaire commis le 15 mai dans le quartier de Ducos. En arrivant dans son entrepôt, le gérant de sociétés a aperçu, dans son véhicule en train d’être volé, un homme, âgé de 36 ans et une femme, âgée de 17 ans. Il a fait usage de son arme en visant chacune des victimes au niveau du front. Mis en examen du chef de meurtre, l’auteur présumé a été placé en détention provisoire sur décision du juge des libertés et de la détention, conforme aux réquisitions du parquet et à la demande du magistrat instructeur.
- Ouverture d’une enquête du chef de meurtre et de tentative de meurtre le 18 mai à Kaala-Gomen. Peu après 14 heures, un homme de 51 ans résidant à Kaala-Gomen conduisait son véhicule à vive allure sur un barrage constitué par des manifestants. Suite à un caillassage qui provoque le bris d’une vitre, il s’est rendu à son domicile, pour s’emparer de deux armes d’épaule. Il a tiré plusieurs coups de feu en direction du barrage. Il a été atteint mortellement suite à un échange de coups de feu. Un manifestant et le fils du tireur ont également été blessés. Dans cette enquête diligentée par la brigade de recherches de Koné, les investigations se poursuivent. Aucune interpellation n’est intervenue à ce stade.
22 mai : Lors d’une conférence de presse consacrée aux mesures économiques, à l’accès aux soins et au réapprovisionnement alimentaire, le gouvernement annonce le gel des cotisations et de la fiscalité. Il annonce également que le réseau internet a été victime d’une cyberattaque d’une force inédite.
23 mai : Depuis le début du mouvement, 6 personnes ont été tuées, 281 ont été placées en garde à vue dont 184 pour atteinte aux biens, 18 mandats de dépôt ont été délivrés et 55 convocations en justice envoyées.
24 mai : Un homme de 48 ans est tué par un policier au rond-point des Érudits à Dumbéa. Le président Macron a dévoilé les trois piliers du retour à l’apaisement : la sécurité, la reconstruction économique et le chemin politique. Il promet de ne pas passer en force sur la réforme constitutionnelle si les barrages sont levés dans les plus brefs délais. Il s’engage à faire un point d’étape d’ici un mois. La mission de médiation et de travail est installée avec trois hauts fonctionnaires : Rémy Bastille, Frédéric Potier et Éric Thiers. Sonia Backès, présidente de la province Sud, considère qu’il y a un « espace pour un accord global si ces violences cessent immédiatement » mais en fermant la porte à la CCAT. 23 escadrons de gendarmerie (soit près de 3 000 hommes), 130 membres du GIGN et du RAID, et 60 officiers de police judiciaires sont mobilisés. « L’ensemble des sites miniers exploités par SLN sur le territoire sont à l’arrêt depuis plus d’une semaine, les conditions de sécurité sont trop dégradées pour poursuivre une activité normale », a indiqué une porte-parole d’ Eramet à Paris
25 mai : Le FLNKS salue la reprise du dossier sur l’avenir institutionnel au plus haut niveau de l’état et réclame le retrait du projet de loi constitutionnel. La CCAT et le FLNKS demandent à « desserrer l’étau » sur les barrages.
26 mai : Philippe Gomès, président de Calédonie ensemble, évoque sa stupeur devant l’hypothèse d’un référendum exprimée par le président de la république.
27 mai : L’état d’urgence a pris fin mais le couvre-feu reste en vigueur. L’union syndicale réagit à la visite et aux récentes annonces d’Emmanuel Macron, qu’elle qualifie de « pyromane élyséen (…) largement responsable » des émeutes. Son bureau confédéral demande le retrait immédiat du projet de réforme constitutionnelle comme condition sine qua non à un éventuel retour du dialogue où rien ne se négociera en dehors du cadre de l’indépendance.
29 mai : Dans une tribune, Lionel Jospin, ancien premier ministre signataire de l’accord de Nouméa du 5 mai 1998, regrette la méthode choisie par l’exécutif et son ambiguïté sur la question de l’élargissement du corps électoral.
30 mai : A Païta, les militants de la CCAT et ceux du FLNKS exposent leurs visions et appellent à la discussion.
31 mai : Les anti-indépendantistes du Rassemblement et les Loyalistes dénoncent l’incapacité des forces de l’ordre à reprendre le contrôle de certains quartiers du Grand Nouméa après 19 jours d’émeutes.