de John Passa, 30 novembre 2021

A quelques jours du scrutin du 12 décembre, il importe de rappeler quel est le véritable objet du combat indépendantiste dans notre Pays.

Ce n’est pas le combat du FLNKS et des autres partis indépendantistes contre les partis loyalistes. C’est encore moins le combat de la communauté kanak contre la communauté caldoche ou contre toutes les autres communautés vivant dans notre Pays.

Ce n’est même pas un combat contre la France avec laquelle une majorité d’habitants de notre Pays souhaiteraient pouvoir conserver des liens forts et équitables.

Non, c’est le combat d’un peuple colonisé, le peuple kanak, contre la domination coloniale de la République française qui dure depuis plus d’un siècle et demi. C’est le combat du peuple kanak pour mettre fin à une injustice et une humiliation qui n’ont que trop duré. C’est le combat du peuple kanak pour recouvrer la souveraineté dont il a été spolié et tenter de construire un avenir qui lui ressemble et pas un avenir qui lui soit imposé depuis Paris. C’est le combat du peuple kanak pour bâtir dans ce pays, avec tous ceux qui y vivent, un avenir durable, partagé, démocratique et plus juste. C’est le combat du peuple kanak pour convaincre tous ceux et toutes celles qui vivent dans ce pays qu’il n’y a de destin commun possible que si, ensemble, nous travaillons à réparer les iniquités du passé et leurs vestiges au présent.

Le seul et véritable ennemi du peuple kanak – il faut l’affirmer haut et fort – c’est la colonisation française. Et si, parmi tous les indépendantistes et les progressistes de ce pays, il en est pour douter de l’intention du gouvernement français actuel de maintenir sa domination d’un autre temps, il suffit de remonter le fil des événements récents. C’est ce gouvernement français qui témoigne aujourd’hui, comme il l’a si souvent fait par le passé, de son total mépris de la culture kanak en refusant de nous laisser vivre dignement le deuil qui frappent nos clans avec la pandémie de Covid-19. C’est ce gouvernement français qui a décidé de maintenir coûte que coûte la date du referendum au 12 décembre et cela malgré l’opposition des indépendantistes et les interférences prévisibles avec l’élection présidentielle. C’est ce gouvernement français qui répète à qui veut l’entendre qu’en démocratie la légalité juridique de ses décisions doit l’emporter sur leur légitimité politique et que la parole d’un ministre a plus de valeur que trente années d’échanges et de discussions entre nous, Kanak et Non-Kanak, pour construire un consensus social dans notre pays. C’est ce gouvernement français qui, avant même que la date ne soit fixée, a décidé d’entourer la consultation référendaire d’un déploiement policier et militaire totalement disproportionné pour un scrutin démocratique. Et c’est encore lui qui, en mai dernier, a nommé comme haut-commissaire un spécialiste du maintien de l’ordre et des opérations spéciales plutôt qu’un homme de dialogue. A croire que ce gouvernement n’attend qu’une étincelle pour à nouveau déclencher le feu armé de la répression sur notre Pays et le peuple kanak. C’est le Président de la République qui a affirmé que la France serait moins belle sans la Nouvelle-Calédonie et qui en Polynésie a jeté l’anathème sur les pays du Pacifique sous le seul prétexte qu’ils sont « petits ». Et c’est ce même Président qui, au nom d’une hypothétique participation de la France à un axe de défense Indo-Pacifique, répète à qui veut le croire qu’il n’y a pas d’autre choix pour notre Pays que l’hégémonie chinoise ou la soumission au fait colonial. Pour ce Président et son gouvernement, il semble qu’il n’y ait qu’au Musée du Quai Branly que les cultures puissent dialoguer. La République française ne nous veut pas libres, elle nous veut soumis, Kanak comme Non-Kanak. Elle ne nous veut pas égaux, mais divisés. Elle ne nous veut pas fraternels dans nos différences, mais solidaires dans la dépendance.

Alors prenons garde à ne pas nous tromper de combat. Quelles que soient les critiques que nous ayons à adresser à nos dirigeants politiques indépendantistes actuels, ce n’est pas eux qui sont concernés par le scrutin du 12 décembre prochain, ni notre position face à un vaccin ou un pass-sanitaire, mais notre avenir commun. Par respect pour nos morts, d’aujourd’hui comme d’hier, ne votons pas. Par ailleurs, ne laissons pas l’État colonial nous diviser à nouveau. Résistons aux provocations policières et militaires qui ne manqueront pas. Faisons savoir au monde que la République française revient une fois de plus sur ses engagements à décoloniser notre pays. Et le 13 décembre, lorsqu’on nous appellera à la table de négociation, rappelons-nous que le combat du peuple kanak a pour seul véritable but la fin de la domination coloniale française et rien d’autre.