Compte-rendu des questIons au gouvernement

source Assemblée Nationale

Avenir de la Nouvelle-Calédonie
Mme la présidente

La parole est à M. Emmanuel Tjibaou.

M. Emmanuel Tjibaou

Ma question porte sur les discussions à venir sur la sortie de l’accord de Nouméa. Inscrit au cœur de la Constitution française, cet accord demeure la matrice politique et institutionnelle qui régit la Nouvelle-Calédonie. Il est le fruit d’un long processus, initié en 1983 à Nainville-les-Roches, où la société kanak a choisi de faire socle commun avec l’ensemble des victimes de l’histoire, mais aussi avec tous ceux qui s’inscrivent dans une volonté de construire une identité propre à notre pays. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR et LFI-NFP.)
Dans la continuité de cet engagement historique, les accords de Matignon-Oudinot ont posé les fondations d’une paix durable, en amorçant une démarche d’émancipation politique, sociale et économique, à travers la provincialisation et l’accès progressif de nos compatriotes ultramarins aux responsabilités. L’accord de Nouméa a ensuite scellé une matrice institutionnelle sui generis – unique en son genre –, reconnue par la communauté internationale. Marque de l’exception démocratique française, cet accord est un acte de courage politique auquel l’État s’est tenu avec constance, malgré les nombreux défis.
Aujourd’hui, nous interpellons l’État sur la nécessité de poursuivre dans cette voie. Nous savons que la relation entre la Nouvelle-Calédonie et la France, après l’accord de Nouméa, soulève des interrogations ; c’est ensemble que nous devons bâtir ce nouvel équilibre. Nous entendons les analyses de nos partenaires loyalistes, mais après quarante ans d’histoire politique commune, nous ne sommes pas prêts à revenir en arrière. Nous redoutons que la vision proposée par certains, qui prônent un fédéralisme interne exacerbé, finisse par institutionnaliser une fracture territoriale et ethnique. Si nous acceptions une telle trajectoire, l’État contribuerait à créer un apartheid assumé, où Nouméa serait pensée en dehors du reste du pays. (M. Nicolas Sansu applaudit.) Imaginez Paris dissociée de la France pour des raisons ethniques. Dans une démocratie comme la France, pays des droits de l’homme, cela serait inconcevable. À l’aube des discussions engagées sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, pouvez-vous partager auprès de nos compatriotes et de la représentation nationale leur postulat de départ ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)

Mme la présidente

La parole est à M. le ministre d’État, ministre des outre-mer.

M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer

Aujourd’hui même, à la demande du premier ministre, j’ai entamé des discussions bilatérales avec tous les partenaires politiques de la Nouvelle-Calédonie. Vous serez reçu jeudi par la présidente de l’Assemblée et le président du Sénat.
Nous sommes face à un moment décisif, historique : l’économie de la Nouvelle-Calédonie est à terre. Estimés à 15 % du PIB, soit plus de 2 milliards d’euros, les dégâts liés aux violences et aux destructions de mai 2024 sont considérables. Avec 37 000 Calédoniens plongés dans le chômage, l’avenir est donc très incertain. L’État soutient – et continuera de le faire – la reconstruction économique, qui nécessitera des réformes profondes.
La Nouvelle-Calédonie est meurtrie. Le sang a de nouveau coulé. Les fractures, qui sont profondes, paraissent même irréductibles. J’ai le sentiment d’un terrible retour en arrière, en entendant parler de nouveau de racisme et de guerre civile. Seul le dialogue permettra de reconstruire un projet commun et partagé. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe EPR. – Assentiment sur les nabcs du groupe GDR.)

M. Philippe Vigier

Très bien !

M. Manuel Valls, ministre d’État

Les accords de Matignon et de Nouméa, avec la perspective du processus de décolonisation, sont bien le socle de nos discussions – et si vous me permettez l’expression, ils sont même mon ADN. Nous ne devons rien oublier de Michel Rocard et de Lionel Jospin, de Jacques Lafleur et de Jean-Marie Tjibaou. Comme eux, il nous faudra être inventifs, ambitieux et courageux, afin de bâtir un compromis, de sortir de toutes les positions radicales et de proposer un projet commun pour la Nouvelle-Calédonie, sa jeunesse, la concorde et la paix. Croyez-moi, comme il vous l’a dit dans sa lettre, c’est la mission que m’a confiée le premier ministre. L’État prendra sa responsabilité et j’invite chacun à être à la hauteur des siennes. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR.)

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