juin 2024

1er juin : Un policier kanak en civil franchissant une barricade loyaliste pour se rendre chez son grand-père est roué de coup par les milices loyalistes en la présence de Gil Brial, second vice-président de l’assemblée de la province sud, et proche de Sonia Backès, chef de file des anti-indépendantistes qui fut ministre dans le gouvernement Macron.

3 juin : Le couvre-feu est prolongé. La C.C.A.T. dénonce une attaque ayant grièvement blessé à l’arme à feu deux jeunes qui se trouvaient aux abords de la tribu de Saint-Laurent. Alors qu’un barrage coupant une route était déblayé par les forces de répression, la C.C.A.T. relate que « des automobilistes en ont profité pour passer à vive allure en ouvrant le feu avec des balles réelles sur nos jeunes positionnés aux abords de la route ».

5 juin : La commission exécutive de l’Union calédonienne ne souhaite pas rencontrer la mission de dialogue tant que le retrait du projet de loi constitutionnel ne sera pas effectif.

6 juin : Les groupes Loyalistes et Rassemblement ont manifesté devant le tribunal de Nouméa pour demander la condamnation et l’incarcération des responsables des exactions (comprendre la C.C.A.T.). Par communiqué, la Cour d’appel de Nouméa exprime son « émotion et [sa] réprobation face à la manifestation illégale » qui a bloqué l’accès à la cité judiciaire alors que « l’activité de ce jeudi 6 juin est très soutenue comme tous les jours » depuis le début des émeutes. « Cette action de protestation devant nos accès constitue une pression inacceptable, dénoncent le procureur général et le premier président le Cour d’appel, alors que tous les magistrats, greffiers et fonctionnaires se sont organisés et mobilisés dans un contexte difficile ». Ce communiqué précise que, contrairement aux allégations, « la justice fonctionne en toute impartialité et conformément à la loi », et rappelle que, « depuis le 13 mai, 726 gardes à vue, 115 déferrements et notamment 60 mandats de dépôts malgré une surpopulation carcérale chronique » ont été traités.

7 juin : Par communiqué, le président du Congrès, Roch Wamytan, et la vice-présidente, Caroline Machoro-Reignier, évoquent une « responsabilité collective » face aux évènements qui continuent de frapper le pays. Les deux élus, par ailleurs membres de l’Union calédonienne, accusent l’État, et l’usage « abusif et disproportionné des forces de l’ordre » dans la gestion du conflit.
Un agent de la police municipale de Nouméa est condamné pour « violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique », une vidéo le montrant un donnant un violent coup de pied à un homme, assis par terre et menotté.

8 juin : Décès d’un homme de 26 ans originaire du col de la Pirogue à Païta, blessé par un gendarme le 3 juin, portant le bilan à 8 morts. Louis Mapou, président du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, indique : « J’ai une pensée particulière pour ce jeune de Païta qui vient de nous quitter et dont je connais les parents, qui sont issus de la grande chefferie de Païta ».

9 juin : Le résultat des élections sur le territoire est le suivant :

Valérie HAYER28,64%7 994
Jordan BARDELLA21,71%6 058
Marion MARÉCHAL16,01%4 469
François-Xavier BELLAMY12,66%3 534
Raphaël GLUCKSMANN4,17%1 164
Manon AUBRY4,01% 1 119
Marie TOUSSAINT3,51%979
Jean Marc GOVERNATORI2,59%722
François ASSELINEAU2,21%616
Florian PHILIPPOT1,66%464
Jean LASSALLE0,91%254

L’abstention sur le territoire s’est élevée à 86,87%.

10 juin :  Le comité directeur de l’Union calédonienne estime que la « révolte de notre jeunesse pour que Kanaky émerge n’est pas le fait du hasard. » « Nous savions tous, nous avions prévenu, la C.C.A.T. avait communiqué, attiré l’attention de tous qu’il ne fallait pas toucher à un accord politique fondamental pour le peuple Kanak et pour notre reconnaissance. Nous savions tous que cela allait arriver tôt ou tard. Car en plus du conflit politique, un conflit social s’est greffé, difficile à contrôler. » notre souveraineté ne pourra qu’être immédiate, pleine et entière et non négociable. Nous proposons le 24 septembre 2024 pour la déclarer, ce sera aussi le début d’une nouvelle mandature avec de nouvelles élections. Notre souveraineté devra être irréversible. » L’UC propose d’ajouter une période dite de transition pour le retrait politique de l’État et le calendrier de la rétrocession des compétences régaliennes. « La souveraineté sera alors partagée si la France l’accepte. Elle sera pleine et entière au terme de cette période de transition, le 24 septembre 2029, à la date anniversaire des 176 ans de colonisation et au terme de la mandature ».

11 juin : Le kanak blessé par balle par un gendarme du GIGN le 29 mai à Dumbéa, au nord de Nouméa, est mort. Un communiqué du haut-commissariat indique que 1 044 interpellations ont eu lieu depuis le 13 mai.

12 juin : Louis Mapou, président du gouvernement réitère son « appel pressant à la levée immédiate des barrages et à un retour au calme ». Palika appelle aussi à la levée des barrages. La loi constitutionnelle concernant le corps électoral provincial n’est plus d’actualité après la dissolution de l’assemblée nationale.

13 juin : L’Union Calédonienne prend acte de l’annonce d’Emmanuel Macron, « qui a trouvé deux minutes pour évoquer le sujet calédonien qui déchaîne les passions en Kanaky », et la « suspension » du projet de loi constitutionnelle. Daniel Goa déplore que le chef de l’Était n’ait pas abandonné ce texte. « Arrêtez la menace, la pression inutile. Laissez aux gens de ce pays le temps de respirer, de se reparler pour qu’ils essaient de reconstruire les fondements de la paix. C’est aujourd’hui la seule issue possible. Le peuple kanak est un peuple pacifique qui a accepté les populations installées dans son pays mais il n’acceptera plus une énième colonisation qui aurait pour conséquence de le faire disparaître. C’est tout ce que nous disons ! »

14 juin : La commission permanente du Congrès de Nouvelle-Calédonie vote les dispositifs de chômage liés aux évènements du mois de mai 2024.

15 juin : Les barrages sont toujours en place dans l’agglomération de Nouméa. Deux personnes sont blessées par balles au Mont-Dore après une tentative de la police de dégager la route principale.

16 juin : Le 43e congrès du FLNKS est reporté à une date ultérieure à la suite de discussion avec la C.C.A.T. Le haut-commissaire annonce la réouverture de la RT1 qui dessert l’aéroport international de Nouméa – La Tontouta (fermé depuis le 14 mai) dès le 17 juin.

17 juin : 19 candidats se présentent aux législatives des 30 juin et 7 juillet. Dans la première circonscription qui intègre Nouméa, l’île des Pains et les Loyautés, l’Union Calédonienne (UC) présente Omayra Lisa Meun Naisseline, Le Mouvement Nationaliste Indépendantiste et Souverainiste (MNIS) Muneiko Haocas, et l’Eveil Océanien (EO) Veylma Falaeo. Dans la seconde circonscription, l’UC présente Emmanuel Tjibaou, l’EO Milakulo Tukumuli, et le MNIS Luther Voudjo.
Le couvre-feu débute désormais à 20 :00 et non plus à 18 :00. Les écoles réouvrent également ce jour.

18 juin : Lors d’une conférence de presse tenue dans les locaux de l’Église protestante de Kanaky Nouvelle-Calédonie, des figures de la société civile calédonienne se sont regroupés pour fonder le collectif « Pays pour le dialogue ». Leur objectif est d’entendre sur tout le territoire, les doléances et les attentes de toutes les communautés dans l’espoir de les rassembler pour rétablir la paix sociale et politique.

19 juin : Les « principaux responsables » de la Cellule de coordination des actions de terrain (C.C.A.T.) sont interpellés. Dans un communiqué, l’Union Calédonienne, par la voix de son président Daniel Goa, indique que « L’Etat français persiste dans ces manœuvres d’intimidation. Ces arrestations étaient prévisibles (…) alors que des responsables locaux anti-indépendantistes et des miliciens criminels se pavanent en toute liberté. » « L’ordre et la justice coloniale sont dangereux. Nous sommes dans une période de grande colère et de tension, l’Etat Macron continue de nous défier, mais comme il a été dit dans toutes les réunions : faisons attention à nos vies ! ».  L’Union calédonienne insiste sur la nécessité du renvoi du haut-commissaire Louis Le Franc et du procureur de la République Yves Dupas qui « enveniment la situation ».
L’enquête préliminaire visant huit personnes interpellées a pour objet « association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime ou d’un délit ». Elle est diligentée par la section de recherche de la gendarmerie de Nouméa, en lien avec la direction générale de la gendarmerie nationale, la direction nationale de la police judiciaire et la sous-direction antiterroriste ainsi que le groupe interministériel de recherches de Nouméa (GIR).

20 juin : Des troubles sont de nouveau constatés à la suite de ces interpellations.

21 juin : L’Union calédonienne dénonce les actions de l’État : « Si l’on peut comprendre qu’en ces périodes troublées, la justice a un rôle à jouer, l’Union calédonienne constate que cela se passe à sens unique et que les faits d’agression perpétrés par les extrémistes non-indépendantistes ne font pas l’objet du même traitement de la part de la justice. (…) Pour un État qui a vécu ces dernières années de manière terrible le véritable terrorisme avec la mort de centaines de personnes sur son territoire, oser faire une telle accusation contre nos camarades de la CCAT est complètement grotesque, insensé et même indécent. Le dossier calédonien n’est pas un dossier à caractère terroriste, ce n’est pas un phénomène jihadiste, ni d’émeutes rurales, c’est un problème politique de décolonisation ».

22 juin : Les militants arrêtés sont mis en examen pour plusieurs chefs d’accusation, dont complicité de tentative de meurtre, vol en bande organisée avec arme, destruction en bande organisée du bien d’autrui par un moyen dangereux pour les personnes, participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime.

23 juin : Sept des militants de la C.C.A.T. interpellés sont dispersées dans différentes geôles de la métropole. La déportation a été immédiatement exécutée. Le procureur de la République précise que « Ce transfert a été réalisé au cours de la nuit au moyen d’un avion spécialement affrété à cette mission ». Deux autres sont restés en détention provisoire au Camp-Est et les deux derniers ont été placés sous contrôle judiciaire, car ils avaient demandé un débat différé.

24 juin : Un regain de violences a de nouveau gagné l’ensemble du territoire. De nombreux établissements scolaires restent fermés : écoles, collèges et lycées.

25 juin : les troubles s’étendent à la brousse et se généralisent autours des barrages. Le Groupe Uni (Union nationale pour l’indépendance) du Congrès indique que la déportation n’est pas de nature à favoriser le travail de la défense, et que « la justice, par la violence institutionnelle déployée, qui vise à criminaliser les interlocuteurs reconnus dans leur fonction, n’a fait que renforcer le sentiment de défiance à l’égard d’une institution qui se doit d’être indépendante et impartiale sans répondre à une commande politique d’une partie des représentants politiques du pays. » Jean-Pierre Djaïwé, président du groupe Uni au Congrès, précise : « une telle décision peut constituer une entrave au processus de désescalade engagé depuis la visite du président de la République française, il y a un mois, et dont les premiers effets étaient perceptibles. »

26 juin : La C.C.A.T., soutenue par de nombreux organismes (des membres de l’Union calédonienne, des syndicalistes, des représentants coutumiers), tient une conférence de presse réclamant le retour des militants de la C.C.A.T. envoyés en France. « 3 000 ans d’histoire du peuple kanak, 171 ans de colonisation et de relations chaotiques, dont des révolutions. Aujourd’hui, nos camarades sont à Paris, comme les différents chefs des révolutions passées. C’est une répétition de l’histoire ».
Le groupe UC-FLNKS et Nationalistes au Congrès évoque sa « plus vive indignation et [sa] profonde préoccupation face à la décision surprenante et brutale de la justice française, de placer en détention provisoire en France, dans l’attente d’un procès, plusieurs responsables de la C.C.A.T. » et exige le rapatriement immédiat « des sept détenus politiques, et nous demandons que la lumière soit faite sur les conditions de leur arrestation et de leur mise en examen. » Cette déportation interpelle car elle « bafoue la présomption d’innocence, car les transferts vers la France sont extrêmement rares et concernent habituellement des détenus déjà jugés et condamnés ou volontaires pour le départ, d’autant plus qu’ils sont très longs à organiser. » Il s’agit d’une « tentative de déstabilisation de notre mouvement et de nos actions légitimes pour l’autodétermination, d’autant plus choquante qu’elle intervient dans un contexte où les garanties de la procédure et les droits de la défense semblent avoir été bafoués. (…) Ces inculpations et détentions provisoires interviennent dans un climat de tension et de répression croissante envers les mouvements indépendantistes. Nous appelons tous les Calédoniens et l’ensemble de la communauté internationale à prendre conscience de cette dérive autoritaire et à se mobiliser pour défendre les libertés et les droits fondamentaux de nos concitoyens. Nous resterons inébranlables dans notre engagement pour la justice, la dignité et l’accès à la pleine souveraineté de notre peuple. »

27 juin : Hippolyte Sinewami Htamumu, président d’Inaat Ne Kanaky, le Conseil national des chefs coutumiers de Nouvelle-Calédonie déclare : « Nous dénonçons une justice à deux vitesses. On ne parle pas des milices qui tirent sur nos jeunes sur les barrages, par contre on reprend les discours des loyalistes qui qualifient les militants de terroristes ». Il évoque les milices loyalistes qui ne sont pas inquiétées par la justice. Les deux préalables au retour au calme sont « L’abandon pur et simple du texte sur le dégel du corps électoral » et le « retour de tous (les) prisonniers politiques ».
Palika appelle « l’ensemble des électeurs du pays à soutenir les deux candidats indépendantistes et nationalistes en lice dans la 1re et la 2nde circonscription, (…) L’enjeu de ces élections se focalisera sur la capacité des candidats à porter auprès de la population et des autorités de l’État à Paris une sortie apaisée de cette crise. » Il condamne également « l’ensemble des exactions commises à l’encontre des habitants du pays et de leurs biens comme en témoigne l’incendie criminel qui a frappé hier le domicile du président de l’Union Progressiste en Mélanésie. Ces actes, qui appellent tout notre soutien à l’égard des victimes, mettent en péril chaque jour le vivre ensemble que nous avons construit collectivement depuis plus de trois décennies. Ils ne peuvent être cautionnés par qui que ce soit et conduisent inévitablement à donner raison aux détracteurs de la pleine souveraineté de notre pays. »
Philippe Dunoyer, député sortant de la première circonscription, se présente sous l’étiquette Horizon indiquant « là où les Loyalistes LR tiennent des discours radicaux qui alimentent la radicalité d’une part des indépendantistes, notamment ceux de la CCAT, ce qui nous a conduit au chaos du 13 mai dernier, nous portons la voix du dialogue, du consensus et de la paix ».

30 juin :Le taux de participation est de 63,8% contre 33,6% en 2022. Dans la première circonscription, sur 56 916 voix exprimées (58,58%), le loyaliste Nicolas Metzdorf, rapporteur du projet de loi sur le dégel électoral qui a mis le feu aux poudres le 13 mai, arrive en tête avec 39,81% des voix (22 316 votes) devant Omayra Naisseline (Union calédonienne) avec 36,18% (20 370 votes). Dans la seconde circonscription, sur 76 389 votes (61,14%), Emmanuel Tjibaou remporte le premier tour avec 44,06% des voix (32 926 votes) contre 36,18% (27 038 votes) pour les loyalistes représentés par Alcide Ponga.

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